Derrière AP Céramique, il y a un jeune céramiste designer en pleine ascension : Antoine Pillot. Antoine défend une approche nouvelle de la céramique entre architecture, nature et design, et c’est passionnant. Les iconiques tasses Bird qu’il propose dans un coloris exclusif pour Alcôve Editions en sont un exemple. Rencontre avec un céramiste, qui, c’est sûr, va marquer la céramique design des prochaines années.
Antoine Pillot : qui êtes-vous ?
J’ai 35 ans et je suis bourguignon d’origine. Fils de viticulteurs, je suis ancré à la terre et à mes origines. Je suis passionné depuis longtemps par l’architecture et le design qui m’a porté vers la céramique.
Vous nous racontez votre parcours ?
Je n’ai aucune formation dite artistique. J’ai fait des études de droit pendant 5 ans et je me suis spécialisé en droit de la propriété intellectuelle afin de me rapprocher de l’univers de la création. La céramique est arrivée un peu tardivement. Passionné de design des années 50, j’ai découvert le travail de la céramique à travers la création moderne de cette période telle que Georges Jouve, Valentine Schlegel, André Borderie et bien d’autres.
J’ai commencé à toucher la terre en 2015 pendant des cours du soir lorsque j’étais juriste. J’ai eu un véritable déclic. C’est à ce moment que j’ai décidé de tout quitter pour partir au Canada et me consacrer à la céramique et design. A mon arrivée à Montréal en 2017, j’ai eu la chance d’intégrer un grand atelier de céramique, celui de Pascale Girardin. Et j’ai eu la chance de participer à de très beaux projets pour des grands hôtels, des restaurants et des magasins de luxe. J’ai pu apprendre le travail de la terre directement en atelier et cela a confirmé que je voulais en faire mon métier.
Je suis rentré en France en 2019 car je souhaitais revenir à mes origines bourguignonnes, terre de potiers réputée. J’ai poursuivi avec la formation « céramiste-créateur », cette formation m’a permis d’affirmer mon univers créatif, de perfectionner et d’apprendre de nouvelles techniques. Depuis septembre 2021, je suis installé à Longvic, près de Dijon.
Et donc, on en arrive à la marque AP Céramique telle quelle est aujourd'hui. Quelle est votre empreinte sur la marque ? Qu'aimez-vous lui donner (style, valeurs, culture) ?
Ma démarche que je concrétise sous ma marque se veut à la fois simple et recherchée. Je suis très sensible à une approche minimaliste et une réflexion sur la forme et les objets qui nous entourent. J’aime partir de la forme des objets afin de penser une fonction ce qui va à l’encontre de la démarche traditionnelle du design selon laquelle « la forme suit la fonction ». L’idée est de sortir des formes conventionnelles et d’aller ailleurs, au-delà des habitudes, et jouer avec les propriétés et les contraintes de la matière tout en conservant un aspect authentique.
Quel est votre regard sur la marque AP Céramique ? Quelles sont vos envies et ambitions pour elle ?
A vrai dire j’essaie surtout de garder un regard cohérent sur ma marque et de poursuivre cette démarche sur mes créations. J’aimerais pouvoir la décliner sur toutes sortes de créations et qu’elle devienne un moyen d’expression comme mon propre langage.
Les tasses à café Bird, très stylisées et contemporaines, sont un de vos produits-phares. Est-ce votre produit "chouchou", celui dont vous êtes le plus fier ? Ou y en a-t-il un autre ?
En effet, c’est un produit dont je suis assez fier car elle représente bien mon travail autour de la forme et cette fois-ci c’est à travers le geste que la forme est née. Cela en fait une pièce unique au design fort.
Quel a été le cheminement jusqu'à la commercialisation de ce produit-fierté ?
Mon cheminement est très instinctif. Tout est parti d’une pièce que j’avais tournée puis déformée. En voyant cette image, cela a fait son chemin dans ma tête et je me suis interrogé sur une forme qui pourrait s’adapter au creux de nos mains. En faisant ce geste, j’ai imaginé une forme plus adaptée puis j’ai créé un modèle en terre. L’idée étant de la reproduire aisément, j’ai donc créé le moule afin de couler les tasses.
Et quel est votre prochain produit-fierté rêvé, celui sur lequel vous travaillez ou travaillerez bientôt pour AP Céramique ?
Bonne question ! J’ai beaucoup d’idées en tête depuis quelque temps que j’aimerais réaliser un jour. J’adore les lampes et c’est quelque chose que j’aimerais beaucoup proposer pour AP Céramique, mais pour le moment je n’ai pas encore réussi à trouver l’idée qui me plaît. C’est un véritable processus qui prend du temps !
Nous parlons de fierté, mais au-delà de ce produit, de votre travail peut-être, quelle est votre plus grande fierté ?
Bien évidemment, ma plus grande fierté a été de prendre la décision difficile d’arrêter, de tout quitter pour partir et me lancer dans cette aventure. Cela m’a énormément apporté afin de m’affirmer en tant que créateur mais aussi en tant que personne. Lorsque l’on se sent à sa place, tout devient plus évident et clair dans notre esprit.
Avec AP Céramique, vous produisez du Beau. Quel est votre rapport au beau, à la décoration ?
Je suis passionné de décoration depuis longtemps en effet. J’aime les objets et le mobilier mais pour moi ce ne sont pas seulement des éléments visuels. Ils ont des histoires aussi bien par leurs créateurs mais aussi pas les histoires personnelles que nous avons avec eux.
Quelles sont vos sources d'inspirations, les lieux, les courants, les personnes qui modèlent votre travail ?
Mes sources d’inspiration sont assez variées mais elles sont principalement l’architecture, l’art moderne et la nature. Je suis très inspiré par toute la création moderne telle que le Bauhaus, le mouvement De Stijl et la période d’après-guerre.
Un souvenir de votre enfance qui a façonné votre attrait pour le beau, la décoration, l'artisanat ?
Je me souviens surtout des marchés de potiers sur lesquels mes parents m’amenaient lorsque j’étais enfant.
Et du coup, c'est comment chez vous ?
Assez simple ! Je suis entouré d’objets qui me parlent. Je suis un passionné de brocantes donc ma décoration est essentiellement composée d’objets chinés au fil des années. J’ai aussi des pièces d’artisans que j’affectionne particulièrement comme le vase Oiseau de Stéphanie Petit.
Quel est votre dernier achat déco ?
Justement cela fait longtemps que je n’ai pas fait d’achat déco ! Mon dernier achat doit être une petite coupe en bois chinée chez Emmaus. Je préfère regarder les inspirations et la décoration dans les magazines et je fais attention à ne pas accumuler trop d’objets chez moi.
Et votre prochain, demain ou dans 10 ans ?
Aucune idée, cela dépendra des trouvailles que je ferai en chinant !
Je crois beaucoup à l'entraide entre créateurs : vous nous recommandez des artisans ou entreprises qui valorisent le savoir-faire français et que vous aimez ?
Il y a tellement d’artisans que j’aime ! Une de mes préférées est Catherine Dix, je rêve d’avoir une de ses pièces au caractère architecturée et authentique. J’adore également le travail de Matisse Dalstein, ébéniste qui a aussi crée le projet Emmaus UP qui permet de travailler avec les Compagnons et de réaliser des meubles à partir de meubles destinés à être jetés. Une entreprise que j’aime beaucoup c’est FdC (Faïencerie de Charolles), Entreprise du Patrimoine Vivant située en Bourgogne, qui collabore avec de jeunes designers et avec laquelle je vais certainement collaborer…
Vous pouvez retrouver Antoine sur son site et sur la boutique d’Alcôve.
Photo portrait signée @ilkeys_