La maison, objet si symbolique. Yves Gaté en a fait son sujet de prédilection et nous enchante avec ces petits centimètres cubes empreints de poésie et de design. Pour Alcôve Éditions, elles s’appellent Archie et s’affirment seules, un choix assumé et fort. Yves aime lui les associer avec des îles et des arbres, inventer des univers de vie. Rencontre avec un céramiste unique, dans sa maison évidemment.
Yves Gaté : qui êtes-vous ?
Je suis un jeune céramiste (j’ai commencé il y a moins de trois ans), et je partage cette passion dévorante avec mon métier de graphiste/directeur artistique.
Vous nous racontez votre parcours ?
J’ai grandi au bord de l’Océan, aux Sables d’Olonne, puis j’ai fait des études de droit à Bordeaux, en admirant le travail d’un ami d’enfance qui faisait des études d’arts plastiques, avec qui je traînais tout le temps. J’ai continué dans la communication, en découvrant peu à peu mon côté créatif. Aujourd’hui je travaille beaucoup les identités visuelles au sein desquelles tout se parle et se complète. Mon métier m’a longtemps tenu éloigné d’une pratique artistique : j’étais inlassablement tenté de revenir vers l’ordinateur à chaque essai de peinture, de photo, de collage.
Jusqu’à il y a 3 ans. Un jour par hasard une amie, Margot, me montre le site web du Studio Primitif qui vient d’ouvrir. Le lieu est beau, me parle, j’ai du temps et je m’initie avec Alison Thirion au tournage. Le soir même je suis tenté de m’acheter un tour ! J’y retourne régulièrement, et je découvre que c’est une activité difficile, qui demande de la pratique, de la régularité quand on cherche à faire quelque chose de précis. Car dès le début je dessine des pièces, je fais des croquis, je construis un univers…
Et un jour, faute de parvenir à faire de la vaisselle aussi design que je le souhaiterais, je fais une petite maison en céramique…
Et donc, on en arrive à la marque éponyme "Yves Gaté" telle quelle est aujourd'hui. Quelle est votre empreinte sur la marque, quelle impulsion aimez-vous lui donner ?
D’abord elle porte mon nom ! Pas par prétention mais parce que je trouvais cela plus simple finalement. Et parce qu’un des impératifs lorsqu’on partage un four avec d’autres céramistes c’est de bien signer ses pièces pour s’y retrouver. Comme je possède depuis des années une casse d’imprimerie avec toutes les lettres en plomb, j’ai tout de suite signé avec un Y. Un petit clin d’œil de typographe qui mêle encore mon univers graphique avec la céramique.
En termes d’impulsion, d’empreinte, j’aime l’idée que tout tourne autour d’un concept simple, cette petite maison, cette forme icônique. J’aime aussi associer la céramique à autre chose : le bois, pour les arbres, l’acrylique pour les tableaux.
On me demande souvent si je ne me lasse pas de faire des maisons, mais au contraire, je me perds souvent devant l’infini des possibles : des pièces très grandes, des tableaux, il y a trop de choix !
Quel est votre produit "chouchou", celui dont vous êtes le plus fier ?
Sans doute mes tous premiers tableaux avec des empreintes de maisons en céramique ; et les premières pièces en général, quand un travail d’expérimentation donne naissance à plus que ce que l’on attendait. Il y a beaucoup d’échecs, de déceptions à la sortie du four, donc quand ça sonne juste cela devient le chouchou du moment !
Et quel est votre prochain produit-fierté rêvé, celui sur lequel vous travaillez ou travaillerez bientôt ?
De grandes pièces. Mais je ne sais pas encore, j’hésite, entre de grandes pièces plutôt plates, à poser ou à mettre au mur, ou des îles en volumes, plus grandes et plus hautes.
Nous parlons de fierté, mais au-delà de ce produit, de votre travail peut-être, quelle est votre plus grande fierté ?
Les retours sur mon travail ! C’est toujours différent, encourageant. C’est de voir mes enfants avoir aussi le goût de l’invention, de bricoler des trucs, de dessiner. Et enfin c’est de relever ce petit challenge qui est de sortir de sa zone de confort, de confronter mes pièces au regard des autres, de vendre, d’apprendre, de louper et de recommencer…
Vous produisez du Beau. Quel est votre rapport au beau, à la décoration ?
J’ai plus un rapport aux histoires qu’au beau. L’histoire d’un objet, qu’il soit de famille, trouvé, acheté en voyage, ou offert. L’histoire de son créateur, l’histoire du design aussi. J’ai des pièces très classiques de designers, parce que ce sont des pièces intemporelles et en même temps qui ont une place à un moment de l’histoire du design. J’aime quand les objets me parlent.
Et du coup, c'est comment chez vous ?
Du coup c’est assez hétérogène ! Je possède des meubles depuis longtemps, des bibelots aussi et j’essaye de faire un peu le vide pour en mettre de plus récents ce qui est un crève-cœur. Je pourrai décorer une autre maison ! Je suis toujours admiratif d’intérieurs hyper décorés, ou tout est pensé et à sa place. Chez moi cela est moins le cas, mais je peux raconter plein de choses sur la déco.
Quelles sont vos sources d'inspirations, les lieux, les courants, les personnes qui modèlent votre travail ?
C’est difficile. J’ai cherché surtout des sources d’inspirations pour les couleurs. Ce qui m’a conduit à faire des pièces jaune et rose, que je trouvais dans l’air du temps, et que je n’aurais sans doute pas faites autrement. Et je regarde aussi comment sont présentées des œuvres dans les intérieurs, dans les comptes insta de galeries, pour voir comment les associer à un meuble, un mur, une ambiance.
Un souvenir de votre enfance qui a façonné votre attrait pour le beau, la décoration, l'artisanat ?
La maison d’une amie d’enfance. Il y avait des œuvres originales, des sculptures, du beau. J’ai eu envie de la même atmosphère.
Quel est votre dernier achat déco ?
Je dirais des livres ! Ils prennent pas mal de place dans mon intérieur…
Sinon sans doute de la vaisselle. Pour la petite histoire, je collectionne les tasses blanches en céramique depuis plus de 20 ans. A posteriori je me dis que c’était écrit…
Et votre prochain, demain ou dans 10 ans ?
Avoir au mur une œuvre de Ronan Bouroullec. Designer, peintre, céramiste… j’admire ses talents qui traversent plusieurs univers de création avec une même harmonie.
Je crois beaucoup à l'entraide entre créateurs : Yves Gaté, vous nous partagez des artisans que vous aimez ?
Mes amies issues du Studio Primitif ! Et parce qu’ils ont comme moi la double casquette céramistes / graphistes, je dirais aussi Aude Bray-Deperne, Emmanuelle Roule et Stephane Caudron de No-ceramic. Je suis fan.
Un secret d'Alcôve à nous partager avant de se quitter ?
Étudiant, j’ai découvert que le magasin Habitat de Bordeaux centre jetait beaucoup de choses en parfait état dans ses poubelles. Je les ai faites longtemps, et j’ai encore plein de choses de cette époque. Dont mes couverts. Mais cela doit rester un secret sinon plus personne ne voudra venir dîner à la maison…
Crédit Photo : @Poético